Les espèces migratrices présentes sur le bassin de la Loire peuvent être séparées en deux catégories :
- Les espèces thalassotoques (ou catadromes) : il s’agit de poissons amphihalins se reproduisant en mer. L’espèce emblématique sur la Loire est l’anguille européenne (Anguilla anguilla) mais d’autres espèces thalassotoques sont présentes sur le bassin telles que le mulet porc et le flet (à noter que ce dernier se cantonne aux zones estuariennes),
- Les espèces potamotoques (ou anadromes) : il s’agit des poissons amphihalins venant se reproduire dans les cours d’eau. L’espèce emblématique sur le bassin est le saumon atlantique (Salmo salar) mais il y en a bien d’autres comme les aloses (grande alose et alose feinte), les lamproies (lamproie marine et fluviatile), la truite de mer et l’éperlan (ce dernier reste majoritairement dans les zones estuariennes).
Les Aloses
Le bassin de la Loire est l’un des derniers grands bassins européens où cohabitent encore deux espèces d’alose :
- la Grande alose (Alosa alosa)
- l’Alose feinte (Alosa fallax)
En Europe et en France, les populations de grande alose présentent des situations très contrastées suivant les bassins. Si une récente recolonisation est constatée sur les cours d’eau bretons, normands et sur le Rhin, les stocks d’alose sur le bassin Garonne-Dordogne se sont effondrés. Sur le bassin de la Loire, après une augmentation importante des stocks en 2004 suivie de trois bonnes années en terme de retour des aloses aux stations de comptage, les retours des deux dernières années (2008 et 2009) ont été très décevantes (LOGRAMI, 2009).
Différents statuts règlementaires concernent la grande alose et l’alose feinte :
- Annexe II et V de la Directive « Habitat-Faune-Flore »
- Annexe III de la Convention de Berne
- Espèce classée comme vulnérable dans la liste rouge nationale
- Espèce classée en statut indéterminé dans la liste rouge des espèces menacées de l’UICN
- Arrêté ministériel du 8 décembre 1988 protégeant les habitats de l’espèce
L’Anguille européenne, Anguilla anguilla
La situation de l’anguille sur le bassin, comme sur l’ensemble de son aire de répartition, est critique. Autrefois considérée comme nuisible, elle est aujourd’hui en danger critique d’extinction par l’UICN. En 2007 l’Europe instaure un Règlement européen pour la reconstitution du stock d’anguilles européennes, qui impose aux états membres de prendre des mesures strictes pour préserver l’anguille à travers un Plan de Gestion Anguille.
Représentés au sein du COGEPOMI, les acteurs du bassin de la Loire se mobilisent pour préserver l’espèce et assurer le retour des anguilles argentées vers l’océan pour pouvoir enfin se reproduire dans la mer des sargasses.
Les lamproies
La lamproie marine (petromyzon marinus) est un agnathe anadrome parasitaire. Son corps fusiforme ne possède ni écailles, ni nageoires paires, ni colonne vertébrale osseuse. La bouche constituée en ventouse, est bordée de papilles aplaties et pourvue de dents cornées. La respiration se fait par 7 orifices branchiaux latéraux. Sa taille moyenne est de 80cm mais peut atteindre 1m20 pour 2kg. Sa coloration est jaunâtre marbrée de brun sur le dos. La lamproie possède une dorsale divisée en deux parties, la deuxième étant contiguë à la caudale (Ducasse et Leprince, 1980)
Les œufs sont pondus en rivière. Un mois après l’éclosion, les larves ammocètes quittent le nid pour gagner les « lits d’ammocètes » (zone sablo-limoneuse) où elle restent 5 à 7 ans. La nourriture est alors constituée de diatomées, d’algues et de débris organiques. Lorsqu’elles atteignent une taille d’environ 15cm, les ammocètes subissent une métamorphose les préparant à la dévalaison vers la mer qui se déroule l’hiver (Lasne et Sabatié, 2009). En mer, la lamproie vit sur le plateau continental. Elle a un mode de vie parasitaire : elle se ventouse sur un poisson et lui digère la chair. En décembre, après 2 années de croissance marine, elle remonte les fleuves durant la nuit pour gagner les frayères entre mai et juillet. La lamproie se reproduit théoriquement lorsque la température de l’eau atteint les 15°C (Taverny et Sabatié, 2010). Épuisés par l’effort de migration et de reproduction, les géniteurs meurent après la ponte (Sabatié, 2001)
Les zones de frayères sont localisées dans des zones d’accélération de courant (tête de radiers). Ce sont des zones peu profondes avec des faciès morphodynamiques de type plat-courant profonds (40-100cm) ou rapide (40-60cm) où les vitesses de courant atteignent respectivement 20-40 et 40-70cm/s (Ducasse et Leprince, 1980) La granulométrie du substrat des frayères est caractérisée par la prédominance de cailloux (20 à 100mm) et de graviers (2 à 20mm), parfois accompagnés de quelques blocs (100 à 200mm). Cette granulométrie doit être présente dans le lit car elle sert de base de construction du nid (Taverny et al., 2005). Après l’accouplement, des particules plus fines sont nécessaires pour fixer les œufs, puis pour servir de substrat d’enfouissement pour les prélarves (Sabatié, 2001)
Les indicateursLe Saumon atlantique, Salmo salar
Le saumon est un poisson potamotoque, tout comme les aloses, les lamproies et la truite de mer.
A l’image des autres poissons de la famille des salmonidés, il présente une nageoire adipeuse en arrière de la dorsale. La coloration de la robe est variable selon le stade de développement et ressemble pour les stades les plus jeunes à celui de la truite commune. L’alevin et le tacon (ou parr) présentent une livrée brun-vert ponctuée de points noirs et rouges, avec des marques dites « en doigts de gant » sur les flancs. Le smolt (juvénile prêt à entreprendre la migration vers la mer) présente une livrée brillante argentée. A l’âge adulte, lorsqu’il revient en eau douce pour frayer, le saumon arbore une belle couleur argentée, le dos gris ardoisé et le ventre blanc nacré.
A l’approche de la période de reproduction, les flancs adoptent une teinte jaune et des taches rouges et pourpres apparaissent. Sur la mâchoire inférieure, un bec caractéristique se développe chez les mâles.
Le cycle de vie du saumon peut s’étendre sur 3 à 7 ans :
- 1 à 3 ans de vie juvénile en rivière,
- 1 à 3 ans de croissance en mer,
- 6 à 14 mois de séjour en eau douce avant la reproduction.
Le plus fréquemment sur la Loire, le cycle vital dure de 4 à 6 ans avec un âge moyen des géniteurs de 5 ans.
Au début du XVIIIe siècle, plus de 100 000 saumons se présentaient annuellement à l’estuaire de la Loire (Cohendet, 1993). Durant la dernière décennie du XIXe siècle, la pêche était encore fructueuse comme l’atteste une enquête des Ponts et Chaussées auprès des marchés locaux de poissons, concernant le nombre de poissons pêchés en 1892 de l’embouchure jusqu’à Gien (Loire moyenne). Cette enquête fait état de 200 tonnes de saumons en Loire-Atlantique et de plus de 14 tonnes sur le reste de l’axe (jusqu’à Gien), soit environ 30 000 saumons (Cohendet, 1993). A partir de la fin du XIXe siècle les captures n’ont cessé de chuter (d’après Cohendet, 1993) :
- 10 000 à 15 000 saumons étaient encore capturés jusqu’en 1928
- entre 1930 et 1948, les captures n’étaient plus que de 5 000 à 10 000
- entre 1950 et 1975, 1 500 à 2 000 saumons étaient capturés annuellement
- à partir de 1975, moins de 1 000 saumons étaient capturés
- en 1994, suite à l’effondrement du stock, toute forme de pêche (qu’elle soit récréative ou professionnelle) a été interdite sur le bassin de la Loire
La Truite de mer, Salmo trutta trutta
Sur le bassin de la Loire sont présentes plusieurs espèces de truites : la truite de rivière (Salmo trutta fario), la truite de lac (Salmo trutta lacustris) et la truite de mer (Salmo trutta trutta). Cette dernière est la seule forme migrante. Les truites font parties de la famille des salmonidés. La ressemblance entre truite de mer et saumon est d’ailleurs grande. D’autre part leurs moeurs et leur cycle de vie sont similaires. La population de truite de mer du bassin de la Loire n’est aujourd’hui plus que relictuelle.
La truite peut être confondus avec le saumon atlantique mais des critères morphologiques simples permettent des les distinguer :
- la truite a une bouche plus grande (la mâchoire dépasse l’arrière de l’oeil)
- le pédoncule caudale est plus large
- la nageoire caudale est moins échancrée que chez le saumon
La truite de mer fraie en hiver sur des frayères identiques à la truite de rivière (plages de graviers et de galets sur les secteurs amont des rivières). A l’issus de la fraie, les géniteurs redescendent en mer et pourront ainsi effectuer plusieurs reproductions. Les juvéniles effectue un séjour en rivière d’une à trois années puis subissent le phénomène de smoltification (métamorphose les préparant à la vie marine) et dévalent vers la mer.